Rédaction et thématique

Publié le par Elwin

    "Ceux qui vont écrire pour toi te saluent!"
    Pigiste anonyme avant une rédaction, IV° après Gutenberg.

    Dans le milieu amateur du jeu de rôle la plupart des projets sont menés par un auteur, entouré ponctuellement de quelques collaborateurs, illustrateurs ou relecteurs. En d'autre terme, c'est un peu la solitude. Le travail n'en est pas nécéssairement moins bon mais il se développe plus lentement, faute de mains et de cerveaux, et l'auteur manque souvent de recul sur son oeuvre.
    Une des révolutions du passage d'ApoKryph de l'auto-édition au studio a été cet élargissement de l'équipe. L'univers n'est dès lors plus le seul fait de son auteur mais devient un objet, une argile que les doigts d'autres personnes vont pétrir et explorer. Cette contribution doit bien sûr se faire dans le respect du projet initial et des lignes directrices du jeu. Il y a, pour parler crûment, un cahier des charges à respecter pour le nouveau contributeur. C'est cet exercice de "rédaction commandée" que le Maaîîîîtreee m'a chargé de présenter.

    Le rédacteur agit en deux temps: tout d'abord bien comprendre l'ambiance et les mécanismes de l'univers, puis les mettre en vigueur à travers les textes qu'il écrit. Je vais essayer de faire pour vous les deux en même temps, en retraçant mon propre parcours dans la compréhension d'ApoKryph. Des premières rumeurs sur le jeu à aujourd'hui les ingrédients obligés de sa rédaction ont bien changé.

    J'ai d'abord appris qu'il s'agissait d'un jeu sur la fin des temps, quelque chose dans ce goût là, où les joueurs incarnaient des agents du Vatican. Sur cette base j'aurai pu écrire quelque chose comme...

    Désouder cet ordure de démon au fusil à pompe n'avait pas été facile pour frère Grégoire. Heureusement qu'il avait pu auparavant fixer la Sainte Lance au canon de son arme pour s'en servir comme baïonette. Cette lopette de cornu devait maintenant faire ses excuses à Satan.
    Monseigneur Parana lui avait dit de ne pas perdre de temps sur la route du monastère, aussi frère Grégoire déloga la Sainte Lance de la carcasse fumante du démon et s'en fut au pas de course. Ces salopards de cultistes allaient comprendre qu'il ne fallait pas le provoquer...

 
   Bon, il est vrai qu'à l'époque le film "La fin des temps" avec Schwarzie venait de sortir et que...hum...comment dire...ApoKryph est assez différent! En achetant la première édition j'ai compris qu'il s'agissait plutôt d'un jeu d'enquête et d'ambiance. L'Histoire y tient une place importante, même si elle est avant tout une source d'inspiration et pas nécéssairement une règle absolue. L'idée est que de vieux secrets vont bientôt devenir essentiels pour sauver l'Humanité d'une ultime échéance...et qu'ils sont dispersés entre de multiples factions, parfois secrètes, souvent ambitieuses, sclérosées ou fanatiques. La voix des justes, quelque soit leur camp, est de plus en plus faible...

    Frère Grégoire arriva enfin devant la porte du monastère de St Umberto. Sa voûte était faite dans des blocs de calcaire aux contours émoussés par le temps. Pas assez néanmoins pour que le moine ne reconnaisse pas le double visage de Janus sur la clé de voûte. Janus, dieu ambigü qui se tourne à la fois vers la guerre et la paix, seigneur des portes et des seuils, maître des transitions...
    Le judas glissa lourdement et le visage d'un vieil homme apparut rapidement, avant que le cliquetis secs des serrures ne se fasse entendre...frère Grégoire était maintenant dans la place...Il lui fallait faire vite: selon son Eminence les agents de l'Archivât ne tarderaient pas à arriver et il tenait à ce que son action soit tenue secrète...

 
   ApoKryph I était très axé sur l'Eglise catholique. Les luttes entre ses services y sont toujours aussi vraies dans la V2 mais le champ des acteurs s'élargit considérablement en intégrant les deux autres grandes religions du livre, le Judaïsme et l'Islam. Il ne s'agit pas de factions de "decorum" mais bien de communautés solidement décrites, elles-mêmes parcourues de différents courants  et en proie à leurs propres soucis. A l'écriture Il faut savoir distribuer les points entre ces factions et placer des ponts entre elles, afin de les rendre utilisables aux MJ.

    -Frère Grégoire...je ne vous attendais pas si tard, reprit le vieil archéologue.
    -Une idée m'est venue à propos des fouilles et je souhaitai vous en parler...discrètement.
    -Ah! Vous ne pouviez alors mieux faire, car Guiseppe vient de partir. Mis à part nous, il ne restent ici que les fantômes des moines !

    Le docteur s'amusa tout seul de ce bon mot et conduisit son hôte vers l'ancien scriptorium. La salle était d'un froid glacial et seuleument éclairée par plusieurs lampes tempêtes. La moitié de la pièce était occupée par un chantier de fouille, soigneusement quadrillé de ficelles. A côté se trouvait quelques sacs de matériels et une petite table de campagne, couverte de paquets de biscuits et de notes de travail. L'archéologue sortit une bouteille de whisky et remplit un verre pour lui et son invité. Ils marchèrent ensuite tout deux jusqu'au bord du chantier.

    -Vous avez réveillé ma curiosité, frère Grégoire. Quel est cette idée qui puisse vous faire venir à moi par cette froide soirée d'automne?
    -C'est assez simple, docteur Levy. J'ai bien réfléchi à votre thèse. Selon elle un juif allemand converti du nom de Zilbermann serait venu ici au XII° après une apparition de la Vierge. D'après l'inventaire que nous avons retrouvé aux archives diocésaines il aurait effectivement laissé derrière lui un nombre d'ouvrages assez important sur les rapports entre le judaïsme et la christianisme. Ces ouvrages seraient d'après vous surtout des panégyriques de la foi catholique destinés à convertir les Juifs.

    Le docteur Lévy semblait tout entier concentré sur le quadrillage du chantier et ne vit pas le frère Grégoire faire quelque pas en arrière.

    - C'est cela, mon ami; finit par répondre l'archéologue. Mais où est votre idée?
    -J'ai pris l'initiative de faire quelques recherches de mon côté, reprit le moine. Cette histoire de panégyrique n'apparaît nul part dans l'inventaire que nous avons consulté ensemble...

    Sur ces mots frère Grégoire se pencha et ramassa avec douceur une des pelles du chantier.

    -...en revanche on nous a dérobé il y a quelques années un ouvrage rédigé par l'Index qui mentionnait bien qu'ici était gardé un ensemble d'écrits d'un certain rabbi Zilbermann. Et il n'avait rien de catholique. On lui avait plutôt... demandé... de compiler un certain nombre de connaissances sur la Kabbale.

    L'archéologue ne sembla aucunement surpris. Bien au contraire. Il continuait à contempler stoïquement le chantier, écoutant le frère Grégoire dérouler son argumentaire comme s'il le connaissait déjà.

    -...c'est lorsque les armées d'un condotierre gênois établirent leur camp dans les environs que le monastère fut pillé et la trace de ces livres perdus.

    -Vous comprenez donc toujours la nécéssité absolue de les retrouver, frère Grégoire?
    -Bien sûr. Mais nous ne souhaitons pas qu'ils tombent aux mains d'un agent du Mossad.

    Lévy sembla enfin surpris par ces derniers mots et se retourna les yeux écarquillés. La pelle lui fracassa la boîte craniene et son corps tomba lourdemant dans la fosse du chantier.

    Monseigneur Parana serait satisfait. En Italie personne d'autre ne connaissait la nature des livres et le Mossad tenterait de comprendre ce qui s'était passé avant de renvoyer un agent. Il ne lui restait plus qu'a partir avant l'arrivée des agents de monseigneur Jouvain. Ceux-ci risquaient de se montrer bien moins compréhensif à l'égard de sa méthode...Ils feraient en revanche de bons suspects pour la police, dès qu'il l'aurait appelé...

    La quête de ces secrets pousse les hommes aux plus grandes folies...Leur foi n'est plus au service de la vérité, mais la vérité devient au service de leur foi. Voilà une tentation et un éceuil universel qui se retrouve dans toutes les religions du Livre dans ApoKryph. Il y a plus de nuance de gris que de noir et de blanc. Finalement un des enjeux est de faire sentir à la fois une grande diversité entre les factions et en même temps de les faire parcourir par la même problématique: le bien, le mal et le libre arbitre.
Toutefois le temps pour faire ces choix est mesuré, et il faut faire vite: l'Heure approche et des manifestations étranges se produisent...

Frère Grégoire mit la pelle dans un sac poubelle et sortit du scriptorium avec la pièce à conviction. Il s'en débarasserait plus loin. Il descendit quatre à quatre la pente de la colline. A mi chemin il s'arrêta pour passer un coup de fil rapide à la Police. Il arriva enfin devant sa voiture. Un enfant était assis sur le capot, immobile.

    -Elle ne démarrera pas, fit le garçon.
    -Fout le camp, dit Grégoire
sans conviction. Quelque chose dans l'enfant le gênait sans qu'il sache quoi.
 
    Le jeune garçon sauta à terre avec souplesse. Grégoire remarqua avec stupeur qu'il tenait un couteau à large lame dans la main. Son reflet bleu métallique sembla briller un instant dans les yeux de son propriétaire.

    -Le vieux Lévy était un sage. Comme rabbi Zilbermann il avait percé de nombreux secrets. Le règne de ton église corrompue va bientôt se finir. Le Maître va bientôt se révéler.

    Grégoire se sentit comme tétanisé par la voix de l'enfant. Il lui sembla même un instant qu'il avait le même visage que cette figure de Janus, là haut sur le monastère.
    Puis il s'écroula, sa vie coulant de sa gorge à gros bouillons.


    Les grandes thématiques que nous avons passé en revue sont mises en avant par le chef de projet. Nous les illustrons avec nos propres inspirations et envies, comme je l'ai fait dans ce texte. Nous vérifions ensuite que tout a été fait dans le respect des autres contributeurs : par exemple ont'ils utilisé frère Grégoire pour une autre mission? Ou le docteur Lévy est'il censé être toujours vivant dans un autre chapitre?
    Si les informations contenues sont conformes aux attentes des autres et le style propre à l'ambiance désirée par le boss, alors le texte est validé.

    Je n'ai pas encore cité, toutefois, l'ingrédient le plus important que nous devons intégrer aux textes: la jouabilité et l'intégration des personnages des joueurs...

"- Vous avez fait du plus vite que vous pouviez, conformèment aux recommandations de monseigneur Jouvain. Vous êtes toutefois arrivés trop tard: au fond du chantier de fouilles repose le corps sans vie du docteur Lévy, la tête en sang. Au loin se font entendre les sirènes de voiture de police.
Que faites vous?"


   



Publié dans Work in progress

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E
Merci Cyril! ^^
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C
blog sympas et pleins d idées ! :-))<br /> au plaisir Cyril
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E
J'essaye à nouveau de te répondre mais comme je ne suis pas sûr que ça passe je vais faire bref :merci! ;)
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E
Que veux tu...je suis à la fois l'Alpha et l'Omega, la source et la fin...hum! En fait je suis surtout à la bourre partout! Mais l'écriture pour ApoKryph est très plaisante et enrichissante. Je suis en ce moment sur les traditions mystiques juives et j'apprends de nombreuses choses. Depuis que j'ai crée un golem pour s'occuper du ménage chez moi c'est fou le temps que je gagne! ;)
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N
Et bien, ça ne chôme pas de ton côté Elwin. Tu as encore le temps de venir sur les forums pour discuter avec tes ouailles alors que la divine mission qui t'incombe d'aider à la fination d'Apokryph pour que le jour J (6/06/06) les fidèles servants de la Vraie Foi puissent le tenir entre les mains pour percer le mystère de l'Apocalypse Ultime ? Peut-être as-tu comme Janus le don d'ubiquité ? A moins que tu ne sois bifrons et que tu puisses travailler dans le même temps deux projets hautement intéressants. Ah, apocalypse, un joli mot et un moment qui apportera son lot de révélations ! Jour de l'épiphanie des secrets enfouis dans le coeur des hommes depuis l'aube des temps... Les eschatologiens verront enfin s'acccomplir l'apocatastase, restauration du royaume divin ou au contraire leurs dernières croyances seront-elles vaincues par la Bête corruptrice et démente qui pousse chaque jour les hommes à semer la mort et la destruction...<br /> Bon courage, maître Elwin pour la rude tâche qui est tienne ! Puisse tu mener à bien la lutte pour que l'Apocryphe ouvrage, à la véracité doûteuse, mais dont tous cherchent à nier l'existence, parvienne enfin entre les mains des simples qui ne demandent qu'à comprendre la vérité !
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